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Les enfants cachés pendant la seconde guerre mondiale aux sources d'une histoire clandestine

Partie I - Enfants cachés, enfants en danger - La situation des enfants juifs 1940-1942

Chapitre I - Les enfants dans les camps de la honte du sud de la France

Consulter la carte des camps d'internement en France (établie par Jo Saville pour " l'Association des enfants cachés " ).

1) La création des camps d’internement

[1] Le 3 septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne nazie. A partir de 1939, la France se couvre de camps. Ils sont tout d’abord le lieu de concentration de 500 000 réfugiés de la guerre civile espagnole avant d’être à partir du 14 mai 1940, sur l’initiative du gouvernement de Paul Reynaud. des lieux d’internement de tous les ressortissants allemands, dantzigois, sarrois ainsi que des apatrides. Ces étrangers, considérés après la déclaration de guerre comme des ennemis de la patrie, sont pour la plupart des intellectuels, des médecins, Juifs et non Juifs qui ont fui le régime hitlérien à partir de 1933. Peu de temps après son avènement, le gouvernement de Vichy promulgue la loi du 4 octobre 1940, sur les « étrangers de race juive ». stipulant qu’ils peuvent être internés dans des camps spéciaux. Cette mesure est en continuité idéologique avec la politique xénophobe conduite dans les dernières années de la Troisième République.

Le 24 octobre 1940, 7 500 Juifs du Bade et du Palatinat, dont 255 enfants, sont convoyés d’Allemagne à destination de Vichy qui les fait interner dans le camp de Gurs. ouvert par le gouvernement Daladier en 1939 pour réunir le flux des réfugiés de la guerre civile espagnole. Jusqu’en 1940, les camps dépendent du Ministère de la Défense et de la Guerre, mais le gouvernement de Vichy promulgue une loi qui fait passer la responsabilité des camps d’ internement au Ministère de l’Intérieur qui répercute ses décisions sur les préfets territoriaux. Une garde civile assure la surveillance des camps.

Anne Grynberg effectue la classification suivante des camps d’internement :

De l’hiver au printemps 1939, sont créés Agde, Argelès, Bram, Le Barcarès, Rivesaltes, Saint Cyprien, Septfonds.

Entre septembre 1939 et mai 1940, les camps de Rieucros, Gurs, les Milles, Le Vernet sont ouverts pour y interner les « Ressortissants ennemis en guerre contre la France. »

A partir du 2 août 1942, débutent les déportations depuis ces camps, tous situés en zone libre. Les effectifs des camps ne cessent de gonfler. Dès 1939, des enfants y vivent dans des conditions d’hygiène et d’alimentation déplorables. Ils sont regroupé s essentiellement dans deux camps. Gurs et Rivesaltes où la plupart des enfants ont été transférés.

1.1 « Gurs, une drôle de syllabe, comme un sanglot qui ne sort pas de la gorge. » Louis Aragon - Le camp de Gurs est construit en quarante-deux jours au printemps 1939. La création de ce nouveau camp est destinée à apporter des améliorations aux conditions d’internement des réfugiés espagnols dans les camps qui ont surgi aux alentours de la frontière franco-espagnole. Ouvert le 25 avril 1939, le camp est constitué de 428 baraques dont 382 destinées aux réfugiés espagnols. [2] Gurs a acquis la triste réputation d’être le plus terrible des camps de concentration français. En 1939, ce ne sont pas moins de 19 000 personnes de 59 nationalités différentes qui y sont internées. Les vieillards et les nourrissons sont les plus touchés par la mort au sein du camp. Entre 1940 et 1943, sur les 1 038 décès, on dénombre 820 Juifs.

Du 1er novembre 1940 au 31 octobre 1943, le camp de Gurs totalise 7 239 entrées. De plus, malgré les transferts vers Rivesaltes. une centaine d’enfants restent à Gurs. Les premiers convois vers l’est via Drancy sont consécutifs à la visite de Dannecker dans le camp, le 18 juillet 1942. Entre le 6 août 1942 et le 3 mars 1943, six convois quittent Gurs en direction de Drancy et Auschwitz. 3 900 Gursiens sont ainsi déporté s vers les camps de la mort.

1.2 Rivesaltes. « Le Sahara du Midi » - Le camp de Rivesaltes est situé dans les Pyrénées Orientales à côté de la ville du même nom. Implanté au cœur d’ une plaine aride balayée par les vents, le camp est soumis à un climat torride en été et glacial en hiver, ce qui lui vaut l’appellation par les populations locales de « Sahara du Midi ». Les premiers internés y arrivent en mai 1940. Rivesaltes est à sa création un camp militaire avant de devenir rapidement un camp « familial ». Pourtant, ce camp n’a de familial que le nom. Les hommes y sont séparés des femmes et des enfants, c’est-à-dire des filles et garçons dont l’âge n’excède pas 14 ans. Seuls les Tsiganes qui y sont internés pour nomadisme peuvent rester en famille. Rivesaltes comprend 150 baraques réparties entre une dizaine d ’ilots et est destiné à regrouper 17 000 à 18 000 personnes. La direction et le personnel sont exclusivement français. Pour passer d’un lot à un autre, un laisser-passer est exigé. Rivesaltes a la particularité d’être le camp où sont concentrés le plus grand nombre d’enfants. Selon Serge Klarsfeld. la plupart des 3 000 - et plus - enfants internés dans les camps du sud de la France sont regroupés à Rivesaltes au début de l’été 1941.

1.3 La situation des enfants dans les camps de la zone libre - Ce sont les enfants qui souffrent le plus des conditions de vie à l’intérieur des camps. Rivesaltes se caractérise par un manque d’hygiène et d’alimentation qui entraînent le développement d’épidémies et de graves carences alimentaires. La faim, le froid insupportable en hiver et la chaleur torride qui règne en été, ajoutés au désœuvrement, caractérisent le quotidien des enfants et des adultes. Les enfants sont victimes d’hypovitaminose, de rachitisme, de cachexie et autres maladies. La saleté attire rats et vermine. Les moustiques qui infestent le camp sont responsables d’un paludisme endémique. Eva Lang. [3] qui avait 10 ans lorsqu’elle est arrivée au camp de Rivesaltes avec toute sa famille venant de Belgique, évoque l’atmosphère du camp :

« La nourriture manquait de plus en plus. On avait terriblement faim, et tout autour que des rangées de barbelés, et là à quelques mètres des tours de garde. Tout était gris, lugubre, malsain. Le bruit incessant du vent qui sifflait entre les baraques, une terre boueuse semée de pierres pendant les jours de pluie et ensuite une chaleur torride et sèche car c’était encore l’été. Les gens toussaient, erraient, mouraient. J’ai sur le haut de ma jambe une cicatrice d’un énorme panaris plein de pus dont j’avais souffert à Rivesaltes. J’avais 10 ans et j’allais toute seule à l’infirmerie faire la queue et attendre pour que quelqu’un vienne me nettoyer la plaie avec de l’alcool. Pourtant ma mère et ma grande sœur faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour maintenir une certaine propreté. »

Friedel Bohny-Reiter. internée volontaire dépendant du Secours Suisse aux Enfants [4] au camp de Rivesaltes. décrit son désarroi face à la détresse des enfants, dans son journal à la date du 14 novembre 1941 :

« Le plus affligeant reste l’infirmerie des tout-petits. Ils sont là, avec leur visage pâle de vieillards, couchés dans leurs petits lits de bois, sans draps, sans couches, le dos, les jambes couverts de plaies, d’abcès. Je me casse la tête, comment les aider. Quand on donne des petits habits, des couches, ils sont volés. (. ) Je ne vois qu’une solution. pouvoir envoyer l’un ou l’autre à la maternité à Elne. Il faut toutefois lutter constamment avec le médecin-chef pour les enfants. A chaque fois je suis abattue en quittant la baraque. » [5]

Les nourrissons sont touchés particulièrement par la misère du camp et le manque de soins. Parmi les trente décès enregistrés entre mars et juillet 1941 sur les 1 800 personnes de l’ilot B, des bébés de moins de un an succombent suite à une gastro-entérite infectieuse.

La faim règne, Shimon Gerstenkorn le relate ainsi :

« Les repas des enfants étaient servis dans un réfectoire séparé afin de les soustraire, disait-on, en haut lieu, à la convoitise des adultes. » [6]

Anne Grynberg [7] récapitule la situation des enfants ainsi :

« - Certains enfants souffrent tellement de la malnutrition que plusieurs dizaines d’entre eux sont classés dans les catégories « pré-cachectique » et « cachectique », la sous-alimentation leur faisant courir des risques de mort. »

Le désœuvrement a des répercussions dramatiques entraînant chez les enfants et les adolescents crises d’angoisse prononcées, neurasthénie, retards dans le développement. Certains enfants présentent même des signes d’arriération mentale.

Consulter la carte des camps d'internement en France (établie par Jo Saville pour " l'Association des enfants cachés " ).

2) Sortir les enfants des camps d'internement

2.1 L’organisation des œuvres caritatives - Pour sortir les enfants des camps, un travail extraordinaire est accompli par les internés volontaires d’œuvres diverses. La C.I.M.A.D.E. est la première organisation caritative à pénétrer dans les camps d’internement. Dès juillet 1940, les organisations juives telles que l’ Organisation Reconstruction Travail [8] - O.R.T. l’ Œuvre de Secours aux Enfants - O.S.E. -. la H.I.C.E.M. (Association d’Aide à l’Emigration Juive) et le Joint. organisation juive américaine qui assure le financement des œuvres depuis son siège européen installé à Lisbonne, sont alertées par les rabbins Samuel Kapel et Henri Schill i, car les premiers autorisés à pénétrer dans les camps d’internement sont des aumôniers en uniforme.

En octobre 1940, neuf organisations juives se regroupent au sein de la Commission Centrale des Organisations Juives d’Assistance -C.C.O.A - afin de coordonner l’action au sein des camps d’internement de la zone sud. Le travail est divisé selon les œuvres :

« (. ) L’O.S.E. doit mettre en place des pouponnières qui accueilleront des jeunes enfants, le CAR [9] s’occuper des personnes âgées, l’ORT organiser des ateliers pour les adolescents et leur offrir une formation dans des domaines tels que la menuiserie, la coiffure… L'HICEM prend à sa charge les procédures d’émigration. » [10]

Les œuvres juives sont intégrées rapidement dans un ensemble d’œuvres multiconfessionnel qui comprend notamment les Quakers [11] Américains. le Secours Suisse aux Enfants. la C.I.M.A.D.E. et le Service Social d’Aide aux Emigrants [12] - S.S.A.E. - les Young Men Christian Association. Ce comité qui se réunit une fois par an à Nîmes, permet de définir des priorités. L’ O.S.E. représentée par Joseph Weill. y prône dès décembre 1940, la nécessité de la libération des enfants, tandis que d’autres œuvres insistent sur l’importance d’utiliser les fonds disponibles pour améliorer les conditions de vie des internés. Il est finalement décidé qu’il devra être mené en parallèle la libération des enfants et la lutte contre la cachexie.

Le travail du comité de coordination des œuvres est particulièrement fructueux, car il permet d’analyser les besoins et de délimiter des priorités. Les organisations caritatives se partagent les tâches. Le financement est assuré par le Joint. tandis que l' H.I.A.S. - Hebrew Imigration Aid and Sheltering Society -. la J.C.A. - Jewish Colonisation Association - se concentrent sur l’émigration légale, qui permettra à plusieurs dizaines d’enfants sortis des camps de gagner les Etats-Unis ou la Palestine.

2.2 Sur le terrain - Andrée Salomon [13] prend l’initiative d’envoyer des équipes d’internées volontaires dans les camps de Gurs, Rivesaltes. Ces assistantes sociales ont avant tout pour tâche de soulager les populations du camp, dans la mesure du possible, en apportant un réconfort matériel et psychologique, quelques médicaments et des aliments, fruits et légumes frais, qui manquent cruellement aux enfants. L’ Unitarian Service Comittee met en place avec l’ O.S.E. un programme éducatif destiné aux enfants internés d’après les méthodes Montessori. L’ O.R.T. et les Young Men Christian Association se dévouent auprès des adolescents en organisant des activités scolaires, en créant des bibliothèques et centres de formation, des jeux, des troupes de théâtre, des petites formations musicales. Les Eclaireurs Israélites de France prêtent main forte aux équipes d’assistance. Des groupes de scouts sont créés à Rivesaltes. tandis qu’à Gurs et à Noé. le rabbin Kapel recrée des mouvements scouts proches du sionisme religieux.

2.3 Les libérations d’enfants - Rapidement, toutes ces organisations ont pour mission première de faire sortir les enfants. En principe, la législation prévoit que seuls les enfants de moins de 15 ans sont susceptibles d’être libérés, les autorités considérant les adolescents comme des adultes. Au début, l’ O.S.E. respecte cette limite, puis des enfants plus âgés sont introduits dans les groupes d’enfants libérés. Ainsi en février 1942, 116 adolescents partent en colonie de vacances pour Gramont. Des maisons d’enfants sont ouvertes dans le but d’accueillir ceux qui pourront être sortis. il s’agit des maisons de Montintin, le Masgelier, Chaumont, Chabanes, l’internat et la pouponnière de Limoges, le château Morelles à Brout-Vernet et qui fonctionnera jusqu’en février 1944, l’aérium de Palavas-les-Flots près de Montpellier, centre de remise en forme pour les enfants. Ceux qui y effectuent un séjour sont ensuite envoyés dans les maisons de la Haute-Vienne ou de la Creuse.

Avant d’effectuer les longues démarches qui permettront de sortir les enfants, il est nécessaire de convaincre les mères de s’en séparer. A Rivesaltes. cette tâche incombe entre autres à Friedel Bohny-Reiter du Secours Suisse et à Vivette Hermann de l’ O.S.E. Il faudra sept mois à cette dernière pour obtenir l’autorisation des parents nécessaire à la libération de quatre cents enfants. Ruth Lambert effectue un travail similaire à Gurs où elle sort des enfants clandestinement jusqu’au moment où elle est inquiétée pour ses activités et contrainte de quitter le camp. Friedel Bohny-Reiter explique dans son journal le 24 janvier 1942 :

« Ce matin j’ai vu des enfants heureux qui quittaient le camp sur un camion, des mères à l’attitude courageuse quand elles ont vu le camion disparaître derrière les baraques grises. Quelle douleur de devoir se séparer de ses enfants, de ne pas pouvoir surveiller leur développement. Mais ici il n’y a pas le choix. laisser ses enfants avoir faim ou se séparer d’eux. » [14]

Vivette Hermann décrit de même la résignation des mères face à la misère qui règne dans le camp :

« Le 6 novembre 1941, je tiens ma première permanence. La porte 43 de l’ilot K porte la mention « Centre d’hébergement -O.S.E. Réception tous les jours samedi et dimanche, de 11 heures à midi et de 16 heures à 18 heures. » Très vite la salle d’attente est comble. On sait que je suis là pour organiser leur libération. La direction du camp nous demande d’établir l’ordre de priorité des enfants, après avis médical, l’état civil des parents, ainsi que leur autorisation pour le placement.

« A voir l’empressement des mères qui assaillent ma permanence en suppliant « Nehmen Sie mein kind weg. » (« prenez mon enfant » ), je pense que leur autorisation ne sera pas difficile à obtenir. » [15]

Andrée Salomon et le docteur Joseph Millner ont la responsabilité des démarches auprès des autorités pour libérer les enfants des camps. A chaque libération trois conditions sont nécessaires. l’autorisation d’un préfet prêt à accueillir dans son département les enfants, un certificat d’hébergement [16] fourni par la préfecture et des places qui doivent être réservées pour les enfants. Si les mères donnent assez facilement leur autorisation pour se séparer des enfants, la procédure légale qui permet de les faire sortir est très longue. Vivette Hermann explique :

« Le certificat d’hébergement, une fois accordé, est transmis par voie préfectorale à Perpignan, qui prend la décision en dernier ressort et avise le camp. Comme chaque libération est individuelle, la procédure est très longue. Les lits sont retenus pendant des mois dans les maisons d’enfants, et lorsque le certificat arrive, l’enfant à qui il est destiné a pu tomber malade, être intransportable ou avoir déjà été transféré ailleurs. Tout est alors à recommencer pour un autre. Je note ainsi dans mon journal, le 22 décembre. « Nous avons obtenu l’ordre de libération des dix fillettes pour lesquelles la maison Crocq nous réservait des places. Mais quand la liste nominative est parvenue au camp, six d’entre elles étaient dans l’impossibilité matérielle de partir, pour raisons de santé et risques de contagion (poux, gale. ). » » [17]

Les premières libérations interviennent au mois d’avril 1941, date à laquelle 204 enfants sortent des camps et sont hébergés dans des maisons de l’ O.S.E. des E.I.F. et 50 d’entre eux accueillis à la maison d’ Aspet des Quakers. Pour la seule année 1941, 800 enfants sortent des camps. Le Secours Suisse envoie des nourrissons à la pouponnière de Banyuls dans l’Hérault ou à la maternité de Elne. et les plus grands dans les colonies et les maisons. Il effectue un travail similaire à celui de l’ O.S.E. et possède huit homes d’enfants. dans l’Ariège à la Hille. dans l’Hérault à Banyuls. dans les Cévennes au Chambon-sur-Lignon. dans l’Ain au château de Bellevue à Montluel. en Haute-Savoie à Favergues. à Saint-Cergues-les-Voirons, au Praz-sur-Arly à Pringy. Seul le château de la Hille n ’abrite que des adolescents juifs.

Le château de Montluel ouvre ses portes en 1942. En mai, il compte une cinquantaine de pensionnaires, dont vingt-neuf enfants juifs tous sortis de Rivesaltes. Certains y resteront jusqu'à la fin de la guerre, d’autres seront repris par leurs parents ou envoyés dans d’autres homes. Des enfants sont également placés par les Eclaireurs Israélites dans les maisons de Moissac ou à Taluyers. Isaac Pougatch au printemps 1942 prend en charge une cinquantaine d’enfants juifs allemands sortis de Rivesaltes .

3) Des enfants en route vers les Etats-Unis

Pour les Juifs, quitter la France relève du parcours du combattant. L’ensemble des pays d’Europe ainsi que les Etats-Unis qui appliquent des conditions drastiques en matière d’émigration leur ont fermé les portes. De plus, l’émigration suppose des moyens financiers importants et peu sont susceptibles de remplir toutes les conditions à l’émigration légale. Une exception est consentie pour les enfants internés à Gurs et Rivesaltes. L’ O.S.E. aidée par sa branche américaine et les Quakers américains, parvient à obtenir 300 visas pour permettre à des enfants d’émigrer. Cette possibilité concerne :

« Des enfants en danger n’ayant pas d’attaches familiales en Amérique, âgés de moins de 16 ans et en parfaite santé. » [18]

Au préalable, leurs parents doivent remettre une lettre d’autorisation à l’ O.S.E. En mai et août 1941, trois bateaux emmènent de Marseille à New-York des enfants sortis des camps. En mai 1942, part un dernier bateau. Vichy tente de freiner ces départs d’enfants qui risquent de ternir l’image du régime outre Atlantique. Au cours de l’été 1942, l’organisation United States Committee for the Care of European Children présidée par Eleonor Roosevelt réussit à obtenir mille visas pour les enfants. Mais le débarquement en Afrique du Nord et la rupture avec les Etats-Unis font échec à cette nouvelle tentative d’émigration.

4) Tentatives de sauvetage in extremis

Après les rafles du 26 août 1942 en zone libre, de nouveaux convois comprenant des enfants arrivent dans les camps d’internement. Certains de ces enfants avaient pu être libérés quelques mois auparavant mais furent repris. A partir d’août 1942, les camps sont bouclés et les Juifs évacués - enfants compris - à destination d’ Auschwitz via Drancy . [19] Les équipes des œuvres caritatives ont été impuissantes devant le départ des enfants. Toutefois, une trentaine d’ enfants ont pu être retirés in extremis de l’îlot K - îlot de déportation - par l’ O.S.E. et les Quakers. Andrée Salomon et des internées volontaires font sortir des enfants clandestinement, parfois en les cachant sous un manteau. A partir de leurs dossiers, il est tenté de trouver un motif quelconque qui pourrait justifier leur libération.

Une fausse assistante de la Croix Rouge mandatée par le gouvernement de Vichy. en arrache ainsi quelques-uns à une mort certaine. Liliane Klein-Lieber se souvient du sauvetage de deux de ces enfants :

« J’ai encore le souvenir cauchemardesque d’avoir pénétré un soir de l'automne 1942 dans le tristement célèbre camp de Rivesaltes pour m‘y voir confier par Andrée Salomon deux jeunes garçons dont les parents étaient en instance de déportation, isolés dans l’îlot K et que je devais emmener à Moissac. Andrée Salomon à la tête d’une équipe d’internées volontaires de l’O.S.E. parmi lesquelles quelques E.I. a réussi des miracles de sauvetage en toute apparente légalité. Ces enfants tondus, muets, incontinents semblaient indifférents à leur propre sort tant ils avaient déjà subi d’épreuves dans leur courte vie. » [20]

Sur l’ensemble des enfants internés dans les camps de la zone libre, 510 furent déportés et assassinés dès leur arrivée à Auschwitz. A l’opposé. plus de 4 000 enfants purent être préservés. En effet, Anne Grynberg. à travers son étude des camps de la zone sud, a établi que les enfants internés étaient au nombre de 5 000 dès le mois de février 1941. De nombreux enfants furent sortis et placés dans des centres de l’ O.S.E. du Secours Suisse aux Enfants. de la C.I.M.A.D.E. Ces enfants mis à l’abri provisoirement, intégreront par la suite les réseaux souterrains de la résistance au service du sauvetage des enfants.

CHAPITRE II

1) Les enfants. des mesures discriminatoires à la persécution

1.1. Des mesures discriminatoires érigées en politique officielle - La zone libre et la zone occupée constituent deux mondes différents coupés par la ligne de démarcation qui rend difficile une action coordonnée entre les organisations. Dès le 29 septembre 1940, une ordonnance allemande exige le recensement de la population juive en zone occupée. Celui-ci est exécuté en totalité par l’administration française. Selon Serge Klarsfeld. le nombre de ceux qui se sont déclarés en donnant l’adresse, où ils sont restés par la suite, est estimé à 90 % . [21] En zone libre, le recensement intervient en juillet 1941. Il sera un instrument très utile pour les rafles. Les différentes lois édictées contre les Juifs constituent la première étape d’un processus qui vise à leur exclusion totale de la société. Comme le constate le Père Chaillet :

« Du 8 octobre 1940 au 16 septembre 1941, le Journal Officiel a fait paraître 26 lois, 24 décrets, 6 arrêtés et un règlement. On n’a donc pas chômé en France. » [22]

Dès le 3 octobre 1940, les statuts des Juifs sont promulgués, érigeant l’antisémitisme en politique officielle de l’État. Ainsi, la loi du 4 octobre 1940, parue au Journal Officiel le 18 octobre promulgue qu’ « Est regardé comme Juif, pour l’application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de la race juive, ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif. » Ces statuts des Juifs vont même au-delà des Lois de Nuremberg édictées par le régime hitlérien, puisque celles-ci ne font référence qu’à la première ascendance. Les statuts du 3 octobre 1940 excluent les Juifs de la fonction publique et leur imposent un numerus clausus au sein des professions libérales. La loi du 4 octobre 1940 sur les étrangers rend possible l’internement des Juifs immigrés. Les mesures discriminatoires vont crescendo. Le 24 mars 1941 est créé le Commissariat Général aux Questions Juives. avec à sa tête Xavier Vallat. Toujours dans le but d’organiser la répression, le gouvernement de Vichy crée à l’automne 1941, la Police aux Questions Juives destinée à mieux canaliser les Juifs considérés comme des délinquants potentiels. Auparavant, le 2 juin 1941, les seconds statuts des Juifs sont promulgués, ils achèvent le processus discriminatoire entamé par les premiers dans une quasi indifférence généralisée. Les Juifs sont exclus de toutes les professions libérales, commerciales et de l’enseignement supérieur. En juillet 1941, il leur est interdit de posséder une bicyclette, un téléphone, une radio. Ils sont également dépossédés de leurs biens, meubles et immeubles. La sixième ordonnance allemande du 7 février 1942 leur interdit de quitter leur domicile entre 20 heures et 6 heures du matin.

1.2. Du port de l’étoile à la mise au ban de la société - Première mesure à laquelle les enfants sont obligatoirement soumis, la Huitième ordonnance allemande du 29 mai 1942 entrée en vigueur le 7 juin rend obligatoire le port de l’étoile jaune à partir de l’âge de 6 ans révolus. [23] Cette ordonnance est renforcée par celle du 8 juillet 1942 qui interdit aux Juifs l’entrée des cinémas, théâtres, des jardins publics, des bibliothèques, des musées. Comment ces brimades, ces humiliations et privations de leurs droits les plus élémentaires ont-elles pu conduire les parents à se séparer des enfants ou plus simplement comment ont-elles pu constituer différentes ondes de choc et aboutir à une prise de conscience évolutive pour les familles de la nécessité de se mettre hors la loi pour échapper aux persécutions ?

L’étoile jaune achève de mettre les Juifs au ban de la société. Les enfants sont repérés, dans la rue, dans les écoles, attirant la sympathie ou le rejet. Le port de l’étoile suscite, pour la première fois, des réprobations au sein de la population française, quelques Parisiens qui se mettent à porter l’étoile en signe de solidarité, sont arrêtés. De nombreux enseignants n’hésitent pas à marquer leur hostilité face à cette nouvelle mesure de discrimination. Jo Saville évoque ainsi son premier jour à l’école avec l’étoile jaune :

« J’allais à l’école primaire rue Fondary dans le XVème arrondissement, je suis arrivé dans la classe, la maîtresse m’a accueilli en m’appelant par mon prénom, elle m’a tout de suite rassuré. » [24]

Liliane Lelaidier-Marton [25] se souvient à l’ inverse de la réaction de l’un de ses camarades de l’école hongroise :

« Le lundi suivant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, un copain de ma rue que je retrouvais régulièrement le jeudi à l’école hongroise, me traita de « sale youpine » ».

A la suite de cet incident, les parents de Liliane lui ont interdit de continuer à fréquenter l’école hongroise. Albert Wilkowski évoque lui aussi son premier jour avec l’étoile, et explique comment ses parents ont vu dans cet insigne discriminatoire comme un prélude à des mesures plus dangereuses pour les Juifs :

« Notre première sortie avec l’Étoile jaune doit se situer un jeudi, jour de congé scolaire, car, de mémoire, ce n’était pas pour aller à l’école mais, comme les restrictions nous y obligeaient, pour aller faire les courses. En ce mois de juin 1942, j’avais neuf ans et demi et mon frère Henri onze ans et demi. Ce serait nous les enfants qui malgré notre réticence, pour ne pas dire plus et malgré notre honte, qui sortirions dans la cour de l’immeuble et dans la rue avec l’étoile. « (. ) Le plus dur était devant nous. affronter le public. Dire que nous l’avons fait gaillardement serait excessif, mais tout s’est mieux passé que prévu. Ce qui paradoxalement nous rassurait, c’est que nous n’étions pas seuls. Tous ceux qui portaient l’étoile jaune ne se connaissaient pas toujours mais ils se reconnaissaient. Mince consolation. Il nous semblait que tous les regards étaient braqués sur nous. Ce n’était peut-être pas le cas, mais nous avions le sentiment d’être des bêtes curieuses. En tout état de cause, les réactions des passants, une fois leur surprise passée, étaient plutôt de compassion. (. ) De retour des courses, nous avons naturellement dû répondre à l’inquiétude de nos parents. Ils étaient quelque peu rassurés car nous étions rentrés sans coups, ni blessures. Il n’empêche que, pour eux comme pour nous, rien ne serait plus jamais comme avant. Il fallait nous cacher, nous n’étions plus en sécurité. » [26]

2) Les rafles, dernière étape du processus. l'annihilation des juifs

[27] 2.1. Les rafles de 1941 - Les rafles sont le catalyseur d’une prise de conscience qu’il est temps de mettre les enfants à l’abri. Outre l’intensification des mesures discriminatoires évoquée précédemment, l’année 1941 est marquée par le début des rafles. Dès le mois de mai, ont lieu les premières arrestations en zone occupée. Les premiers hommes juifs immigrés arrêtés répondent à une simple convocation le 14 mai 1941. Il s’agit d’un billet vert qui leur signifie qu’ils doivent se rendre aux commissariats de police pour « examen de situation ». Soucieux de ne pas se mettre hors la loi, et habitués aux tracasseries administratives qu’avaient imposées dans ses dernières années la Troisième République, ils se rendent aux convocations dont ils imaginent qu’elles ne sont destinées qu’à être une simple régularisation.

Les Juifs arrêtés sont ensuite internés au gymnase Japy. à la Caserne des Tourelles boulevard Mortier, à la Caserne des Minimes de la rue Edouard Paillon, dans une cave de la rue de la Grange aux Belles, et même à l’ Opéra de Paris. 3 800 hommes sont ainsi arrêtés. On compte parmi eux 3 430 Juifs polonais dont quelques-uns sont des militants communistes. Ils sont transférés dans les camps du Loiret, de Pithiviers et Beaune-la-Rolande. ouverts en toute hâte le 14 mai 1941, loin des regards indiscrets de la capitale. Les 20 et 21 août, les Juifs étrangers du XIème arrondissement de Paris sont raflés.

Malgré les consignes, des policiers français zélés arrêtent quelques enfants qui doivent être aussitôt relâchés. La crainte de se mettre dans l’illégalité ou de représailles sur les membres de la famille incite fortement les hommes à se présenter aux convocations. Maurice Lustik raconte ainsi la réaction significative du père d’un de ses camarades :

« Ce matin-là, [28] le père de Léon entendant des rumeurs de rafles s’était réfugié au café situé au n° 3, les patrons l’avaient caché. Les flics sont montés chez lui pour l’arrêter et ne l’ayant pas trouvé sont repartis sans insister. Dans l’après-midi, ce pauvre homme craignant des représailles sur sa famille, est allé se livrer au commissariat de la rue Chanzy. Je l’avais accompagné avec Léon au bout de la rue du Dahomey. Je revois encore la douleur silencieuse du petit frère de Léon, Félix, assis seul, sur une marche devant le 5 bis, pleurant en silence, sans une larme, sans un cri, le corps agité de sanglots après le départ de son papa. Je n’ai jamais vu quelqu’un de plus malheureux que ce petit garçon. » [29]

Dans la nuit du 11 au 12 décembre 1941 a lieu la rafle « des personnalités ». 743 hommes juifs, tous de souche française, issus de milieux aisés et pour une grande partie anciens combattants sont arrêtés et conduits à l’Ecole Militaire avant d’être dirigés vers le camp de Compiègne-Royaldieu. Jean-Jacques Fraenkel relate ainsi la confiance de son père devant les policiers venus l’arrêter :

« Je pense que papa devrait fuir par l’escalier de service. Mais, non, le voilà accompagné de Maman, chapeauté, ganté. son pardessus sur les épaules. Les flics disent à Maman. « Préparez-lui un ballot avec du linge de rechange, deux jours de vivres et une couverture chaude. - Mais non, mais non, dit Papa, ce n’est pas la peine, dans une heure je suis de retour, c’est certainement une erreur. Il n’ y a aucune raison pour que je sois arrêté. Les flics insistent. « Si, Monsieur, prenez un ballot, ce sont les instructions. » - Mais non, inutile (. ) » [30]

Au début de l’année 1941, des amis de la famille Fraenkel leur ont proposé de partir avec eux aux Etats-Unis, mais Roger Fraenkel. premier et plus jeune chirurgien-dentiste de Paris, premier professeur de l’École Dentaire de la Tour d’Auvergne, juge de paix au Tribunal de Paris, expert auprès des compagnies d’assurance et surtout Officier de l’Armée Française dans laquelle il a encore servi en 1940, ne peut ni concevoir de quitter « son » pays, ni se douter encore qu’un quelconque danger puisse le guetter lui et sa famille. L’exemple de la famille Fraenkel illustre le comportement de nombreuses familles israélites qui ne décèlent pas dans les premières mesures antisémites, l’annonce de persécutions plus graves.

A l’inverse, dans les familles juives d’origine étrangère, les premières mesures font l’effet d’un signal d’alarme ; soit parce que ces familles ont été victimes dès leur arrivée en France, souvent dans les années 1930, du climat de xénophobie ambiant, soit parce qu’elles sont originaires de pays qui ont connu l’avènement d’ Hitler, et surtout parce que ces familles dont les pères sont nombreux à être arrêtés dès 1941, sont plus sensibles aux signes qui annoncent une menace plus grande, et soucieuses de mettre à l’abri les enfants, notamment au moment de l’été 1942, un mois après l’obligation de porter l’étoile. Sans être obligatoirement prévenues de la rafle, ces quelques familles décident de protéger les enfants, dans l’éventualité où quelque chose arriverait. Les informations circulent plus vite dans les quartiers où les Juifs sont nombreux comme dans les XIème, IIIème et IVème arrondissements. [31] Ils y vivent plus sur leurs gardes nombreux sont ceux qui fréquentent les œuvres de bienfaisance juive qui se chargeront de tirer la sonnette d’ alarme quelques jours avant la rafle du Vel d’Hiv. A cet effet, les cantines, les dispensaires de l’ O.S.E. ou de la Rue Amelot sont aussi des lieux d’échange.De plus, l’arrestation des pères signifie pour les mères juives qui sont déjà plongées dans une situation précaire une baisse ou une disparition de la quasi totalité de leurs revenus.

Maurice Lustyk se rappelle qu’après l’arrestation de son père,

«La vie quotidienne pour ma mère et moi était très dure, lié e au fait que sans le salaire de mon père, ma mère avait été obligée de chercher du travail à l’extérieur, sans beaucoup de succès, il faut le dire. » [32]

Les femmes demeurées seules avec les enfants n’ont souvent guère de quoi faire subsister leurs familles. Ainsi en juin 1941, des dizaines de femmes dont les maris ont été internés à Pithiviers et Beaune-la-Rolande. soutenues par l’ Union des Femmes Juives manifestent devant les barbelés des deux camps afin d’obtenir un droit de visite et la possibilité de faire parvenir des colis aux internés. Certaines femmes démunies décident de placer leurs enfants au sein d’organisations, juives principalement. Si en 1941, peu de familles pressentent un danger imminent pour les enfants, leur placement s’avère être une garantie incontestable pour leur survie. Les plus modestes se tournent plus facilement vers des organismes tels que le Bund. l’ U.J.R.E. l’ O.S.E. ou la Mère et l’Enfant .Les enfants ainsi placés seront plus facilement intégrés dans des circuits souterrains après la Rafle du Vel d’Hiv .

2.2. La Rafle du Vel d’Hiv - Le 11 juin 1942 a lieu une conférence de la section IV B4 de la Gestapo dirigée par Eichmann et à laquelle participent Dannecker. délégué pour la France aux Affaires Juives. Des « quotas » sont déterminés pour la déportation des Juifs de l’Europe Occidentale. Il est prévu que seront acheminés à Auschwitz depuis la France, 100 000 Juifs en vue de leur extermination. En France, les pourparlers s’engagent à partir de la fin du mois de juin 1942, entre les représentants du Troisième Reich et ceux de Vichy. Les victimes sont désignées. seront déportés dans un premier les Juifs apatrides ou de nationalité polonaise, russe (Rouges ou Blancs), ex-allemand, ex-autrichien. Les rafles ne concerneront pas dans l’immédiat les Juifs ressortissants de pays alliés avec l’Allemagne nazie ou de pays neutres pour lesquels le département « Allemagne » chargé de la Question juive au Ministère Ribbentrop doit statuer.

Les apatrides conjoints d’aryens, d’abord exclus, pourront être arrêtés. Ne seront pas arrêtées les femmes mères d'enfants de moins de deux ans. Les Juifs ayant la nationalité britannique, américaine, ou ressortissants des états d’Amérique du Sud ennemis de l’Allemagne seront épargnés par la rafle. L’arrestation des Juifs français est ajournée. Laval qui s’est rendu à Paris le 26 juin a insisté dans ce sens. Dannecker informe Berlin le 6 juillet 1942 que seuls les Juifs apatrides seront déportables, et qu’il sera procédé par la suite à l’arrestation des Juifs nationalisés depuis 1919 ou 1927.

Les limites d’âges fixées à 40 ans pour les femmes et 55 ans pour les hommes sont très vite repoussées à 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes. Ce changement est dû à l’examen des listes des Juifs apatrides, estimés en nombre insuffisant pour obtenir le nombre d’arrestations exigé par les Allemands. Le recul des limites d’âge rend peu crédible une déportation à l’Est placée sous le signe du travail. La grande rafle de Paris et sa région, initialement prévue le 13 juillet, est ajournée au 16-18 juillet afin d’éviter une coïncidence malheureuse avec la fête nationale. Le sort des enfants est évoqué lors des réunions qui précèdent la grande rafle. Le 4 juillet 1942, Laval déclare au sujet des enfants d’apatrides arrêtés en zone libre que « dans une intention d’humanité » il « a été obtenu - contrairement aux premières propositions allemandes- que les enfants, y compris ceux de moins de 16 ans, soient autorisés à accompagner leurs parents. »

Quant aux enfants qui seront arrêtés en zone occupée, il se désintéresse de leur sort. Dannecker est favorable à la déportation des enfants -dont le nombre est estimé à environ 4 000 - qui seront arrêtés lors de la grande rafle de la région parisienne et dont Laval s’est détourné. En attendant l’accord d’ Eichmann. il est prévu, dans un premier temps, que ces enfants soient pris en charge par l’Assistance Publique pour être remis à l’ U.G.I.F. Le 4 juillet Dannecker dresse la liste des consignes, « Instructions de base pour la grande action parisienne contre les Juifs. » Le 8 juillet, la préfecture de Police adresse aux commissariats des différents arrondissements la circulaire n° 173/42, liste très détaillée de l’ensemble des consignes :

« Vous constituerez des équipes d’arrestations. Chaque équipe sera composée d’un gardien en tenue et d’un gardien en civil ou d’un inspecteur des Renseignements Généraux ou de la Police Judiciaire. Les équipes chargées des arrestations devront procéder avec le plus de rapidité possible, sans paroles inutiles et sans commentaires. »

« En outre au moment de l’arrestation, le bien fondé ou le mal-fondé de celle-ci n’a pas à être discuté. C’est vous qui serez responsables des arrestations et examinerez les cas litigieux qui devront vous être signalés. Si vous ne pouvez trancher la question, les intéressés suivront momentanément le sort des autres. Lorsque vous aurez un contingent suffisant pour remplir un autobus, vous dirigerez. sur a) le camp de Drancy, les individus ou familles n’ayant pas d’enfants de moins de seize ans, b) au Vélodrome d’Hiver les autres. » [33]

2.2.1. Déroulement de la rafle - Les opérations débutent dès 4 heures du matin. Les agents de police se présentent au domicile des Juifs. Les Allemands attendent de l’opération la livraison de 28 000 Juifs. [34] Enea Averbouh. résistante membre de l’ O.S.E. informée par un fonctionnaire de la police, assiste à la rafle, d’une petite chambre d’un immeuble d’un des patronages de l’ O.S.E. Place des Vosges. « Le 16 juillet, le matin à 6 heures, j’entends des cris terribles. Par la fenêtre, je vois des camions, des cars, des autobus pleins de monde et tout le monde crie. « Sauvez-nous, sauvez-nous, faites quelque chose. » [35]

Pour la grande rafle des 16 et 17 juillet 1942, 12 884 personnes ont été arrêtées. Le bilan pour ces deux jours est de 3 031 hommes, 5 802 femmes et 4 051 enfants. Le pourcentage de femmes et d’enfants, 45 % et 32 %, est très élevé. Des rumeurs ont couru quelques jours avant la grande rafle. Les Juifs étrangers ont été alertés principalement par les organisations juives et parfois par des fonctionnaires soucieux du sort des familles :

« Le 15 juillet, les gens de la résistance juive disaient qu’ils savaient de source sûre qu’une rafle extraordinaire se pré parait et que les Juifs devaient rester chez eux. Cette nouvelle se répandit à la vitesse d’un éclair. » « Terrifiés, les Juifs ne savaient pas comment échapper à ce nouveau malheur. Ceux qui le pouvaient quittaient leur logement mais la plupart n’avaient pas d’endroit pour se cacher. » [36]

Pendant toute l’année 1941, seuls les hommes avaient été massivement arrêtés. Par conséquent, de nombreux pères de famille qui ne pouvaient envisager que leurs épouses et leurs enfants pourraient être raflés, ont quitté leur domicile la veille du 16 juillet, ce qui explique le nombre élevé de femmes et d’enfants. A l’inverse, de nombreuses familles par manque de moyens n’ont pu quitter leur domicile, mais certaines se sont assurées de mettre les enfants à l’abri.

2.2.2. Les enfants rescapés du Vel d’Hiv - Quelques enfants ont échappé à la rafle. de nombreux parents, alertés par la succession des mesures discriminatoires, en particulier l’étoile jaune et les rafles de 1941, ont placé quand ils le pouvaient, à titre de prévention, leurs enfants à la campagne, dans des familles d’accueil, chez des parents ou amis. C’est le cas par exemple du jeune Albert Wilkowsky et de ses frères :

« L’année scolaire allait bientôt se terminer et nous attendions les grandes vacances avec beaucoup d’impatience. Cependant, pour la première fois depuis des années, elles se passeraient autrement. Nous ne partirions pas avec notre mère, notre père ne nous rejoindrait pas en fin de semaine. Seuls les enfants partaient, placés dans une famille d’accueil recommandée à nos parents. Ils nous avaient expliqué qu’ils seraient plus tranquilles de nous savoir à la campagne. De leur côté, ils auraient les coudées plus franches pour rechercher un nouvel abri où nous pourrions nous retrouver tous ensemble à la fin des grandes vacances. Conscients de la gravité des événements, nous comprenions parfaitement le bien-fondé de leur décision. (. ) Toutes ces précautions oratoires cachaient une appréhension prémonitoire. » [37]

Georges Gutman se souvient d’une famille compatissante qui le cacha avec son frère la veille de la rafle :

« (. ) Nous étions avertis de cette rafle. Tout le monde en parlait mais on ne pouvait pas y croire. Il y allait avoir une rafle. Mais qui allait-on ramasser. Pourquoi. C’était incompréhensible. Pourtant, cette nuit-là, une voisine catholique nous en a parlé et elle a proposé à mes parents de nous garder, mon frère et moi dans son appartement pour dormir. (. ) Pendant la nuit, la police est venue, a frappé à la porte. Mes parents étaient derrière, ils frappaient de plus en plus fort. Monsieur et Madame Robert sont descendus en leur disant. « Vous cherchez les Gutman. Mais il y a longtemps qu’ils sont partis. » (. ) Le lendemain et plus tard, nous nous sommes tout à fait rendus compte qu’ils nous avaient sauvé la vie. » [38]

Les premiers sauvetages d’enfants s’improvisent dans l’urgence. Enéa Averbouh se souvient :

« Je suis sortie rue des Rosiers. Inoubliables. Les gens qui avaient pu se cacher sortaient de leur cachette, pieds nus ou en pyjama, à moitié nus, les gosses criaient. « Maman. Papa. » Je téléphonai à mes collègues ; il fallait commencer tout de suite, cacher les enfants, les mettre à l’abri. De nombreuses mères de famille avaient été raflées, les enfants étaient restés par miracle. Les petits m’ont raconté. « Quand ils sont venus, maman m’a dit en yiddish. cache-toi en-dessous du lit. » Un autre s’est caché dans la boîte à ordures, la mère a mis le couvercle dessus, il est venu nous voir plein d’épluchures. » Des voisins, des Français ont gardé par mal d’enfants en attendant que l’on trouve une solution. Avec le docteur Minkowski on a décidé de faire des placements individuels. Dans mon immeuble habitait une Russe, le docteur Hesse. elle travaillait aux Allocations Familiales, c’était une très bonne amie. Je lui racontai ce qui était arrivé. Aux Allocations Familiales, elle put s’entourer de deux ou trois assistantes sociales qui voulaient bien nous aider. Alors, elles sont allées en banlieue parisienne, ou même plus loin, chercher des nourrices. Ne disant pas que les enfants étaient juifs -on donnait de faux noms à tous les enfants- elles les présentaient comme des enfants malheureux dont le père était parti à la guerre.

« On inventait n’importe quoi. Ces assistantes allaient les voir de temps en temps faire une inspection, tout s’est bien passé. Lorsque les nourrices ne pouvaient pas venir à Paris, ce sont les assistantes qui emmenaient les enfants. » [39]

2.2.3. Le réveil de l’opinion - De nombreux Français assistent non sans émotion à l’arrestation de familles entières. Jean-Louis Besson se souvient des réactions de sa mère, le 16 juillet :

« Ma mère semble bouleversée. A cinq heures elle a été réveillée par des cris, des coups frappés fort, « Police, ouvrez. », et encore des pleurs et des lamentations. Elle n’a pas pu se rendormir et est étonnée qu’on n’ait rien entendu. Cela venait de la cour où habitent des familles pas très riches. Un peu plus tard, en se penchant par la fenêtre, elle a vu des agents de police faire monter des gens dans des autobus.

Nous avons appris que tous les Juifs habitant le quartier ont été arrêtés et rassemblés au Vélodrome d’Hiver, avant d’être emmenés on ne sait pas où. » [40]

Des rapports adressés au service IV J de la Gestapo confirment ces réactions :

« La population française a exprimé dans des cas répétés, sa pitié à l’égard des Juifs arrêté s et ses regrets, en particulier à l’égard des enfants. Souvent, le transport des Juifs n’a pas été effectué d’une manière discrète, de sorte qu’une partie de la population non juive a eu l’occasion de former des petits rassemblements et de discuter au sujet de l’arrestation des groupes de ces Juifs. » [41]

2.2.4. Le Vel d’Hiv - Les 4 992 Juifs sans enfants arrêtés lors de la rafle sont directement conduits à Drancy. tandis que 8 160 Juifs -1 129 hommes, 2 916 femmes et 4 115 enfants- sont parqués au Vélodrome d’Hiver. Les Juifs arrêtés sont détenus cinq jours au Vel d’Hiv dans des conditions déplorables. Un tract clandestin décrit ainsi l’atmosphère qui règne au vélodrome :

« Le Vel d’Hiv aurait contenu le premier jours 12 000 personnes. [42] Rien n’était préparé pour elles. Pas même la paille. La nuit les enfants couchaient par terre, les adultes sont restés assis sur les bancs. Pas de ravitaillement les deux premiers jours. Pas d’eau à boire ni pour se laver. Les W.-C. au nombre d’une dizaine furent vite bouchés et personne pour les remettre en état. Ils débordaient et inondaient les internés. Cette situation n’a pas tardé à déchaîner une série d’évanouissements, de crises de nerfs, de poussées de maladies, de tentatives de suicide. (. ) On a assisté à quelques fausses couches, à quelques accouchements. Une jeune femme est devenue folle et hurle sans arrêt. Une mère de quatre enfants ne cesse de crier. (…) Il y a eu plusieurs cas de folie, des tentatives de suicide et une trentaine de morts dont plusieurs enfants. » [43]

Quelques enfants parviennent à sortir du Vel d’Hiv avec l’aide de gendarmes compatissants, qui les laissent partir.Le 17 juillet, une réunion se tient pour statuer en particulier sur les enfants entre 2 et 16 ans arrêtés lors de la rafle. A cette réunion qui scellera le sort des enfants, participent Oberg, Knochen, Röthke, et du côté français, Leguay. représentant de Bousquet. chef de la police en zone occupée, François. responsable des camps d’internement, Darquier de Pellepoix. commissaire général aux questions juives accompagné de Gallien. son directeur de cabinet et également chef de la Police aux Questions juives depuis le 10 juillet 1942. Dannecker a sollicité l’autorisation d’ Eichmann pour déporter les enfants de la zone occupée à partir du 10ème convoi, soit à compter du 10 juillet, et ceux de la zone libre à partir des 4 et 5 août, donc du 15ème convoi. L’administration française qui a été tout à fait incapable de gérer les Juifs au Vel d’Hiv. n’entend pas s’occuper à long terme de ces enfants.

A l’issue de cette réunion, il est également décidé que les enfants seront transférés avec leurs parents aux camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande.

2.2.5. Pithiviers, Beaune-la-Rolande - Les derniers Juifs des camps du Loiret sont déportés par le convoi n° 6, du 17 juillet 1942, cédant la place aux familles qui quittent le Vélodrome d’Hiver pour y être enfermées. Du 19 au 22 juillet, 2 000 Juifs par jour sont emmenés via la gare d’Austerlitz vers les camps du Loiret. 4 544 personnes sont dirigées vers Pithiviers et 3 074 à Beaune-la-Rolande. Les enfants constituent presque la moitié des internés des deux camps qui n’ont pas les infrastructures nécessaires pour faire face à une concentration de population aussi importante. Leur situation est identique à celle des autres camps d’internement.

Plusieurs décès d’enfants sont enregistrés. Le petit Henri Rosenberg. âgé de 4 ans, décède le 21 juillet 1942 à l’hôpital de Pithiviers où il avait été admis la veille, de même Gisèle Gertler. 3 ans, meurt le 27 juillet 1942 à l’hôpital de Beaune-la-Rolande où elle était entrée le jour même. [44] La plupart de ces enfants décédés sont inhumés dans la fosse commune du cimetière de l’une des deux villes. Dans les deux camps, une épidémie de rougeole et de diphtérie touche particulièrement les enfants. [45]

Quelques enfants sont sortis clandestinement de Pithiviers et Beaune-la-Rolande. Micheline Bellair qui put se rendre à Beaune-la-Rolande en tant qu’assistante sociale de la Préfecture, accompagnée par une assistante sociale de la Croix Rouge. se souvient du sauvetage de huit enfants :

« On avait dit que certains enfants débutaient une diphtérie. Alors, la direction du camp a pris peur et on a pu passer sept ou huit enfants, je ne sais plus exactement, à l’hôpital, chez les religieuses, qui s’en sont occupées. » [46]

Micheline Bellair s’était également mise en relation avec un gendarme qui avait accepté, quand il serait de garde, de ne regarder que d’un côté. Ainsi, elle put en soulevant la grille, confier deux enfants agés d’environ trois ans à une religieuse de l’hôpital de Beaune-la-Rolande qui devait ensuite les confier à une personne que les parents des enfants lui avaient indiqué. [47]

Le nombre d’enfants sauvés à Pithiviers et Beaune-la-Rolande fut tout à fait minime, étant donné le peu de temps que les enfants y séjournèrent et l’interdiction absolue de les faire quitter le camp. Il est impossible à ce jour de donner une estimation du nombre d’enfants qui purent être arrachés à ce camp. Le Service de Sûreté du Reich donne son autorisation pour la déportation des enfants à la fin du mois de juillet 1942. Dans l ’intervalle, dans le but de remplir les trains à destination des « territoires de l’Est ». les adultes sont déportés.

Dans les camps du Loiret, est alors procédé à la séparation des mères et des enfants. Le 31 juillet 1942 à 6 heures 15, a lieu le premier départ depuis Pithiviers. composé en particulier d’adolescents agés de 15 à 20 ans et d’adultes qui ont été séparés de leurs enfants. Johannes Wertheim. en poste à l’infirmerie et qui sera déportée en septembre 1942, décrit dans une lettre en date du 1er août adressée à son fils, les scènes inconcevables qui se déroulent sous ses yeux depuis quelques jours :

« (. ) Le 30 juillet ne disparaîtra jamais de ma mémoire. Sans cesse des évanouissements de femmes qui restent ou qui partent, des enfants qui crient, appelant leur mère ou le père. Douze heures après l’embarquement tout le monde s’est ressaisi et le prochain départ se prépare. Encore un ou deux départs et les enfants de 2 et 13 ans seront seuls ici, il y en a entre 1 800 et 2 000. Il paraît qu’ils rejoindront les convois précédents. » [48]

Le 2 août, les internés du camp de Beaune-la-Rolande sont avertis qu’un grand nombre de parents partiront sans leurs enfants sous le prétexte fallacieux qu’ils s’en vont préparer le camp de destination :

« Réaction immédiate de panique et avec des hurlements, la majeure partie des adultes se précipitent vers la sortie du camp, essayant d’enfoncer le portail. » [49]

Annette Krajcer se souvient également de cette annonce :

« Le 2 août en fin d’après-midi, nous sommes prévenus, par appel, que maman va s’en aller avec le convoi du lendemain. Se passe une longue nuit, atroce. Le lendemain c’est la séparation, mais nous avons encore une dure journée d’attente, car les femmes et les adolescents qui doivent partir sont rassemblés par les gendarmes dans une partie du camp séparée de nous par des barbelés. Toute la journée, ma sœur et moi sommes restées face à face avec maman, de part et d’autre des barbelés. Cela a été atroce. Puis on l’a entraînée, c’est l’arrachement, le départ. » [50]

Les parents pratiquement tous partis, environ 1 800 enfants à Pithiviers et 1 500 à Beaune-la-Rolande restent seuls, livrés à eux-mêmes, dans une profonde détresse morale. Le 13 août 1942, les autorités françaises et allemandes organisent le prochain départ des enfants restés dans les camps du Loiret vers Drancy. Ils compléteront des convois partis depuis la zone libre.

Deux jours après, le transfert des enfants vers Drancy commence. Leur évacuation en même temps que quelques adultes restés à Pithiviers et Beaune-la-Rolande durera dix jours.

2.2.6. Passage à Drancy [51] et déportation des enfants du Vel d’Hiv. - Les enfants ne demeurèrent que deux ou trois jours à Drancy avant d’être déportés. Georges Wellers se souvient de leur passage dans l’antichambre d’ Auschwitz :

« Chaque nuit, de l’autre côté du camp, on entendait sans interruption les pleurs des enfants désespérés et, de temps en temps, les appels et les cris aigus des enfants qui ne se possédaient plus. » [52]

Les enfants de plus de 12 ans furent déportés par les convois n° 13, 14, 15, 16 qui quittèrent Drancy entre le 31 juillet et le 7 août 1942. Les plus petits partirent sans retour pour Auschwitz dans les semaines qui suivirent, entre le 17 et le 28 août 1942, par les convois n° 20, 21, 22, 23, 24, 25. Pendant ces quelques semaines, 1 032 enfants de moins de 6 ans, 2 557 enfants de 6 à 12 ans et 2 464 adolescents de 13 à 17 ans furent déportés à Auschwitz. Georges Wellers fut témoin de leur départ de Drancy :

« Le jour de la déportation les enfants étaient réveillés à cinq heures du matin et on les habillait dans la demi-obscurité. Il faisait souvent frais à cinq heures du matin, mais presque tous les enfants descendaient dans la cour très légèrement vêtus. Réveillés brusquement dans la nuit, à moitié morts de sommeil, les petits commençaient à pleurer et peu à peu les autres les imitaient. Ils ne voulaient pas descendre dans la cour, se débattaient, ne se laissaient pas habiller. Il arrivait parfois que toute une chambrée de 100 enfants, prise de panique et d’affolement invincible, n’écoutaient plus les paroles d’apaisement des grandes personnes, incapables de les faire descendre ; alors, on appelait les gendarmes qui descendaient sur leurs bras des enfants hurlant de terreur. Dans la cour, ils attendaient leur tour d’être appelés, souvent en répondant mal à l’appel de leur nom.Les aînés tenaient à la main les petits et ne les lâchaient pas. Dans chaque convoi, il y avait un certain nombre d’enfants qu’on ajoutait pour compléter. c’étaient ceux dont les noms étaient inconnus. Ainsi, il a été déporté à Drancy en deux semaines 4 000 enfants sans parents. » [53]

Parmi ces 4 051 enfants de parents Juifs étrangers, arrêtés lors du Jeudi Noir. plus de 3 000 avaient la nationalité française. Aucune loi, aucun décret ni même aucune ordonnance allemande ne permettait pourtant à cette date de déporter des Français, s’ils n’avaient commis aucune infraction. C’est donc en toute « illégalité » que ces enfants furent acheminés vers Auschwitz. où ils furent gazés dès leur arrivée, séparés de leurs parents, qui les avaient précédés dans les convois. La rafle du Vel d’Hiv sera toutefois le moment de la mise en place des différents circuits souterrains des organisations qui trouveront dans le sauvetage des enfants juifs une des causes principales à défendre.

2.3. La rafle du 26 août 1942 en zone libre - Le 16 juin 1942, un accord entre Oberg et Bousquet prévoit de livrer 10 000 Juifs de la zone libre. Après maintes tractations, il est décidé que la police française procédera aux arrestations. La grande rafle de la zone libre fait écho à la rafle du Vel d’Hiv .Cette gigantesque opération, comme la précédente, est conduite exclusivement par la police française. Le nombre de Juifs arrêtés est inférieur aux exigences allemandes et s’élève à 6 584. Avec le départ des convois depuis les camps de la zone libre, cette rafle sera génératrice de nombreux mouvements de protestations.

3) les brèches d'entraide au sein de la population française. symptômes d'une cassure entre Vichy et l'opinion publique

Certains représentants de haut rang au sein de l’Eglise élèvent la voix dès les premières mesures pour protester contre le sort réservé aux Juifs. Dans une lettre adressée au Grand Rabbin de France, le 26 mars 1941, Marc Boegner. Président du Conseil National de l’Eglise Réformée de France exprime sa solidarité envers les Juifs.

« (. ) Notre Eglise, qui a connu jadis toutes les souffrances de la persécution, ressent une ardente sympathie pour vos communautés dont en certains endroits, la liberté de culte est déjà compromise et dont les fidèles viennent d’être si brusquement jetés dans le malheur. Elle a déjà entrepris et ne cessera de poursuivre ses démarches en vue d’une refonte de la loi. » [54]

Les Jeunesses Etudiantes Chrétiennes commencent à se mobiliser politiquement après les premières rafles de Juifs étrangers du 14 mai 1941. Mais il faut attendre l’année 1942 pour que le haut clergé manifeste en zone libre sa désapprobation face aux mesures qui s’abattent contre les Juifs.

Dans le courant de l’année 1942, Monseigneur Salièges délègue Germaine Ribière dans les camps de la zone libre afin qu’elle l’informe sur les conditions d’existence des internés. Elle se rend dans les camps de Noé et Recébédou et rapporte à la Pentecôte 1942 à l’archevêque de Toulouse, en présence de Monseigneur Courrèges. les conditions de départ des Juifs par le convoi qui arrive à Drancy le 9 août 1942. En réaction à l’inhumanité du sort réservé aux Juifs, Monseigneur Salièges rédige une lettre pastorale destinée à être lue en chaire le 23 août 1942, sans commentaires, dans les églises et chapelles de son diocèse. A travers cette lettre intitulée « Sur la personne humaine ». interdite par Vichy. il est le premier prélat à protester contre les traitements infligés au Juifs. Monseigneur Salièges inaugure un mouvement de contestation à l’égard de gouvernement de Vichy .

« Mes très chers frères, Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine, qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent à la nature de l’homme ; ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer. Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle. Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus. Pourquoi sommes nous les vaincus. Seigneur, ayez pitié de nous. Notre-Dame priez pour la France. Dans notre diocèse, des scènes émouvantes ont eu lieu dans les camps de Noé et Recébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et ces mères de famille. Ils font partie du genre humain ; ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier. France patrie bien-aimée qui porte dans toutes les consciences de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine, France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces erreurs. Recevez mes bien chers frères, l’assurance de mon affectueux dévouement.

Signé. Jules Gérard Salièges. Archevêque de Toulouse.» [55]

Pendant l’été 1942, trente-cinq évêques et sept archevêques dénoncent le sort réservé aux Juifs en zone libre, tandis que Monseigneur Rémond à Nice, Monseigneur Chassaigne à Tulle et Monseigneur Piguet à Clermont-Ferrand passent à l’action en faveur des persécutés. A Toulouse, Monseigneur de Solages de l’Institut Catholique affirme son soutien à Vladimir Yankélévitch . [56] En zone occupée, le Cardinal Suhard adresse une lettre de protestation unique au Maréchal.

Sur l’ensemble de la zone libre, ces quelques représentants du haut clergé, [57] principalement en zone libre, font souffler un vent de réprobation relayé par l’indignation de la population. Toutefois, au niveau de la France, ces évêques et archevêques sont loin de représenter une majorité. Les positions de Vichy par rapport à l’Eglise représentent une tentation trop forte pour que se manifeste une réelle opposition du haut clergé.

Les élans de soutien envers les Juifs relèvent plus d’initiatives individuelles que d’un mouvement organisé, toutefois ils sont bien réels. Les actes suivent les paroles et attestent fin août 1942 d’un comportement nouveau de l’Eglise qui jusque-là, par son silence, semblait cautionner la politique anti-juive de Vichy. Monseigneur Théas. évêque de Montauban, suit l’exemple de Monseigneur Salièges .

Le 26 août 1942, jour même de la grande rafle de la zone libre, il rédige à son tour une lettre pastorale qui sera lue le dimanche 30 août.

« (. ) Je fais entendre la protestation indignée de la conscience chrétienne et je proclame que tous les hommes aryens ou non aryens, sont des frères parce que créés par le même Dieu (. ). Et voici que dans nos régions, on assiste à un spectacle navrant. des hommes, des femmes sont traités comme un vil troupeau et envoyés vers une destination inconnue, avec les perspectives des plus graves dangers. (. ) Or les mesures antisémites actuelles sont un mépris de la dignité humaine, une violation des droits les plus sacrés de la personne et de la famille. » [58]

Le 6 septembre également, l’évêque de Marseille, Monseigneur Delay. qui par ailleurs affiche des positions antisémites s’exprime en faveur des Juifs :

« Nous reconnaissons bien que notre pays a le droit de prendre toutes les mesures utiles pour se défendre contre ceux qui, en ces dernières années surtout, lui ont fait tant de mal, et qu’il a le droit de punir sévèrement tous ceux qui abusent de l’hospitalité qui leur fut si libéralement accordée. Mais les droits de l’Etat ont des limites. Arrêter en masse, uniquement parce qu’ils sont Juifs et étrangers, des hommes, des femmes, des enfants qui n’ont commis aucune faute personnelle, dissocier les membres d’une même famille et les envoyer peut-être à la mort, n’est-ce pas violer les lois sacrées de la morale et les droits essentiels de la personne humaine et de la famille, droits qui viennent de Dieu. C’est aussi manquer gravement à la charité, à la simple humanité que d’exécuter souvent de tels ordres dans des conditions inhumaines. » [59]

L’absence des Allemands en zone libre met en évidence pour la population que le gouvernement de la France, en osmose idéologique avec l’occupant, s’est donné pour tâche de procéder lui-même à la chasse aux hommes, femmes et enfants juifs. Partout en France, une population choquée est témoin des arrestations des Juifs et de leur transport. La persécution des Juifs devient un facteur de plus qui contribue à renforcer l’hostilité croissante d’une partie importante des Français à l’égard de l’occupant et du gouvernement de Vichy à son service. [60] Ce nouvel état d’ esprit permet de constituer une chaîne de solidarité silencieuse dont une partie se focalise sur les enfants. Cette attitude nouvelle des Français est relayée par la voix d’une partie des représentants de l’Eglise.

« Seule, sans porte-parole, une population boudeuse n’aurait pu tellement contrarier les plans de Laval et Bousquet ; il en serait allé de même pour des évêques prêchant l’indignation, mais dans le vide. Tout au contraire, population et clergé se sont épaulés mutuellement dans cette opposition salutaire qui ne s’est pas manifestée seulement pour l’ honneur, mais qui a eu des effets immédiats et durables. » [61]

Dans toute la zone libre, les rapports des renseignements généraux et des préfectures relatent l’émotion qui a saisi la population française témoin des arrestations ou des transferts des Juifs. Leur livraison à l’occupant effectuée par la police française entraîne une certaine désolidarisation de la population avec le régime de Vichy. Le revirement de l’opinion génère des courants de solidarité permettant de sauver un nombre considérable d’enfants, simplement en ne dénonçant pas des enfants cachés ou en participant directement à leur sauvetage. L’attention des Juifs et des non-juifs se focalise en deux temps autour des enfants. dans les camps d’internement où leur situation entraîne la mise en place d’une action organisée et en 1942, lorsque cette chaîne de solidarité se recrée, incluant la participation d’une partie des Français et de certains représentants du clergé. (pages 89, 90 et 91)

Entre 1940 et 1942, les mesures discriminatoires ont constitué différentes étapes dans la prise de conscience du danger et de la nécessité de mettre les enfants à l’ abri. En 1940, pour la première fois, l’antisémitisme prend la forme d’une législation. Ces premières lois sèment l’inquiétude au sein de la population juive. Parallèlement, l’évolution de la législation anti-juive et même les internements de 1941, ne peuvent laisser penser qu’ils sont un prélude à la déportation en masse. La profusion des mesures discriminatoires, qui ont précédé le processus d’extermination, a produit une immense confusion, donnant lieu à une multitude de réactions et d’interprétations souvent contradictoires. Pour les immigrés comme pour les Juifs français, la confiance en la France au moment de l’armistice et dans les premières années de l’occupation est totale. Ils se réfugient derrière l’image d’une France, pays des droits de l’homme.

Les premiers enfants en danger furent incontestablement ceux qui dès 1939 étaient internés dans les camps du sud de la France. Très rapidement, sortir les enfants des camps est devenu le mot d’ordre de l’ensemble des organisations. Cette politique permit de soustraire un grand nombre d’enfants à la déportation. Le port de l’étoile, auquel n ’échappent pas les enfants, constitue pour de nombreuses familles un signal d’alarme. La peur de voir s’abattre sur les enfants de nouvelles mesures plus graves conduit certaines familles à les placer à la campagne au début de l’été 1942. La rafle du Vel d’Hiv. où plus de 3 000 enfants de nationalité française seront déportés, constitue un tournant, comme celle du 26 août en zone libre. A partir de cette date, les familles ne peuvent plus fermer les yeux sur le danger.

Ces deux rafles inaugurent le temps de la chasse à l’homme et surtout à l’enfant. Dans un climat de terreur et de confusion, les organisations juives telles que l’ Œuvre de Secours aux Enfants, la Mère et l’Enfant, les Eclaireurs Israélites, posent les bases de l'action clandestine au service des enfants à présent condamnés. Ceux-ci arrivent de toutes parts. De nombreux parents pressentant le danger ont préféré les abandonner aux concierges ou à des passants dans la rue plutôt que de les emmener vers un avenir incertain. Il s’agit pour les organisations de les récupérer et de les cacher. C’est le moment de l’entrée dans la clandestinité, en plein cœur de la tourmente.

[1] Sur l’internement des enfants dans les camps du sud de la France, bien qu’encore aujourd’hui ignorés du grand public, plusieurs ouvrages existent. A ce sujet on pourra consulter principalement :

Docteur Joseph WEILL, Contribution à l’Histoire des camps d’internement de l’anti-France. C.D.J.C, 1946

Anne GRYNBERG, Les camps de la Honte, Editions la Découverte,

Claude LAHARIE, Le camp de Gurs 1939-1945, un aspect méconnu de l’Histoire du Béarn, ouvrage tiré à 2000 exemplaires et édité avec le soutien financier du Conseil Général des Pyrénées Atlantiques, 1985, 397 pp

Vivette SAMUEL, Sauver les enfants, Editions Liana Lévy, Paris, 1995, 233 pp

Friedel BOHNY-REITER, Journal de Rivesaltes 1941-1942. Editions Zoé, Genève, 1993, 156 pp, et le documentaire de Jacqueline VEUVE, Journal de Rivesaltes, 1941-1942 inspiré en partie du livre.

De plus, l’Association des Enfants Cachés, a consacré deux bulletins remarquables à l’étude des camps d’internement en France. Voir Bulletin n° 18. et Bulletin n° 19 des Enfants Cachés. voir également en annexe les articles répertoriés de ces bulletins et leurs auteurs.

[2] Voir Claude LAHARIE, Le camp de Gurs, 1939-1945. un aspect méconnu de l’Histoire du Béarn, 1985, 338 pp

[3] Témoignage manuscrit d’ Eva LANG née TUSCHNEIDER. Toronto, 1997

[4] En 1937 avec la guerre d’Espagne, un groupe de Suisses décide de se porter au secours des enfants victimes de la guerre. Avec l’avènement du nazisme, son extension hors des frontières du Reich puis la guerre, le groupe d’entraide décide d’élargir son action à tous les enfants victimes des bombardements, de l’exode et aux réfugiés et internés dans les camps de concentration français. En 1940, le « Cartel Suisse aux Enfants Victimes de la Guerre » prend l’appellation de « Secours Suisse aux Enfants » et se place après un accord en décembre 1941 sous la tutelle de la Croix Rouge Suisse.

[5] Friedel BOHNY-REITER, Journal de Rivesaltes 1941-1942. Editions Zoé, Genève, 1993, 156 pp, p 33.

[6] In Anne GRYNBERG, Les camps de la honte. Editions La Dé couverte, op. cit.

[7] Anne GRYNBERG, L’assistance aux enfants Juifs dans les camps de la zone sud, YOD, art. cit. p 70

[8] L’ Organisation Reconstruction Travail naît en Russie en 1880 dans le but de réintroduire les Juifs dans des professions où ils ont été exclus depuis des siècles. En 1920, cette organisation prend une vocation internationale et crée une antenne en France où elle installe des écoles, des institutions sociales. Malgré son affiliation forcée à l ’U.G.I.F, l’O.R.T. verra nombre de ses réalisations détruites. Le siège de l’organisation est déplacé en zone libre. En 1944, l’O.R.T. entre partiellement dans la clandestinité.

[9] Comité d’Aide aux Réfugiés

[10] Vivette SAMUEL, Sauver les Enfants. Editions Liana Lévi, Paris, 1995, 233 pp. Vivette SAMUEL née HERMAN est née à Paris en 1919. Elle est recrutée par l’O.S.E. en 1941 et internée volontaire au camp de Rivesaltes où elle tente de faire libérer les enfants. Son travail à Rivesaltes achevé, elle intègre le circuit clandestin de l’O.S.E. à partir de 1942.

[11] Les Quakers sont un mouvement à l’origine anglais né du protestantisme local au XVIIème siècle. En marge de l’Eglise, ce mouvement prend son essor en Angleterre et en Amérique du Nord où ses membres luttent contre l’esclavage. Mouvement à vocation sociale, il effectue un travail considérable dans les camps d ’internement.

[12] Le Service Social d’Aide aux Etrangers - S.S.A.E.- fut créé par une circulaire interministérielle du 4 juillet 1941, avec à sa tête Gilbert LESAGE. Il avait pour objectif de faire appliquer les lois raciales sur les étrangers, assurer les regroupements familiaux, assister les familles des étrangers.Le projet d’un service social d’aide aux étrangers fut présenté au Consistoire Central par Gilbert LESAGE. Ce service, créé dans le but d’améliorer les conditions de vie des internés, devint un auxiliaire efficace de la police, facilitant l’établissement des listes des convois de déportés.

[13] Andrée Salomon fut incontestablement une des grandes figures de la résistance juive. Alsacienne, elle quitte son village natal pour Strasbourg et devient secrétaire d’un grand avocat. Elle intègre les Eclaireurs Israélites où elle fait partie des partisans du sionisme. Après la nuit de Cristal, elle obtient des autorités françaises, l’autorisation d’accueillir un groupe de 52 enfants de moins de 15 ans provenant de l’orphelinat de Francfort. Membre du comité d’accueil, elle participe au placement de ces enfants au sein de familles d’accueil et d’institutions juives de Strasbourg. Au moment de la débâcle, elle se réfugie à Clermont-Ferrand avec sa famille. Elle intègre l’O.S.E. où elle se dévouera entièrement à la cause des enfants jusqu'à la fin de la guerre en intégrant le circuit Garel où elle aura pour tâche de coordonner l’action des assistantes. Dans les années 1970, elle s’installe en Israël où elle s’éteindra à l’âge de 85 ans.

[14] Friedel BONHY-REITER, Journal de Rivesaltes. op. cit. p 68

[15] Citation extraite de Vivette SAMUEL, Sauver les enfants, op. cit. p 66

[16] D’après L’assistance aux enfants Juifs dans les camps de la zone sud. par Anne GRYNBERG, in YOD, Revue des Etudes modernes et contemporaines hébraïques et juives, publications Langues’O, n° 19, art. cit. p 76. Monsieur BENEDETTI trouvera la mort en déportation.

[17] Vivette SAMUEL, Sauver les enfants. op. cit. p 66

[19] Anne GRYNBERG, L’assistance aux enfants Juifs dans les camps de la zone sud. YOD, art. cit. p 76.

[20] Allocution de Liliane KLEIN-LIEBER, in Le Monde Juif n° 161. Revue d’Histoire de la Shoah, septembre-décembre 1997, pp 63-65.

[21] Cf. Bulletin n° 6 de l’Association Les Enfants Cachés

[22] Citation du Père Chaillet extraite de Les Cahiers de Témoignage Chrétien. cité par André KASPI, in Les Juifs pendant l’Occupation, op. cit.

[23] Voir Serge KLARSFELD, L’étoile des Juifs. 29 mai 1942. les Allemands imposent le port de l’étoile jaune en zone occupée, Editions L’ Archipel, Paris, 1992, 165 pp.

[24] Entretien avec Jo SAVILLE, Meudon, le 19 septembre 1998.

[25] Liliane LELAIDIER-MARTON, A l’ombre de l’étoile. Editions du Losange, Nice, 1997, 175 pp.

[26] Albert WILKOWSKY, De l’étoile jaune au drapeau rouge. Editions du Losange, Nice, 1998, 202 pp, p 43.

[27] Cf. en annexe la chronologie des rafles de 1941.

[28] Il s’agit de la rafle du 20 août 1941. La scène se déroule à Paris dans le XIème arrondissement.

[29] Témoignage de Maurice LUSTYK, Vie quotidienne d’un enfant Juif à Paris, 1939-1945, dactylographié, pp 18?19

[30] J ean-Jacques FRAENKEL, L’abus de confiance, Editions Biblieurope, Israël, 1997, 175 pp, p 66-67.

[31] D’après Jacques ADLER, Face à la persécution, les organisations juives de Paris, 1940-1944, Editions Calmann-Lévy, Paris, 1985, 325 pp, p 25. La population juive s’est installée dans Paris en fonction de critères économiques et sociaux ; ainsi dans le XIème arrondissement se trouve la plus forte concentration d’immigrés. Les Juifs qui ont gagné Paris à la fin des années 1920 se sont installés dans le IVème arrondissement. Les artisans et commerçants résident dans le IIIème arrondissement. Dans le quartier de Belleville vivent les ouvriers. Dans le Xème se trouvent les fourreurs. Le Faubourg Saint-Antoine est le quartier des marchands de meubles.

[32] Témoignage de Maurice LUSTYK, op. cit. p 19

[33] </sup>Georges WELLERS pp. 84-103, in A propos d’un « crime oublié ». Le Monde Juif, n° 138, avril-juin 1990, édité par le Centre de Documentation Juive Contemporaine, Paris, 1990, 119 pp.

[34] </sup>TULARD, chef du fichier juif à la Préfecture de Police de Paris, estimait que le nombre des Juifs internés au Vélodrome d’Hiver serait compris entre 24 et 25 000.Les policiers des vingt arrondissements de Paris disposaient de 25 334 fiches de Juifs apatrides et ceux des vingt-cinq communes de la banlieue de 2 057.

[35] Témoignage recueilli par Jean LALOUM, extrait du livre, Les Juifs dans la Résistance et la Libération. Editions du Scribe, Paris, 1985, pp 109-110.

[36] Israël BELCHATOWSKI cité par Adam RAYSKI, La guerre est déclarée aux enfants, 16-17 juillet 1942, Journées d’horreur et de révolte. in Le Monde Juif, Revue d’Histoire de la Shoah, n° 155, septembre - décembre 1995, 265 pp, p 113.

[37] Albert WILKOWSKY, De l’étoile jaune au drapeau rouge. op. cit. pp 45-46.

[38] Interview de Georges GUTMAN, op. cit.

[39] Témoignage recueilli par Jean LALOUM, extrait du livre, Les Juifs dans la Résistance et la Libération, op. cit. p 109

[40] Jean-Louis BESSON, Paris Rutabaga, souvenir d’enfance 1939-1945. op. cit. p 56.

[41] Rapport adressé au Service IV J, cité par Georges WELLERS pp. 84-103, in A propos d’un « crime oublié ». Le Monde Juif, n° 138, avril juin 1990, édité par le Centre de Documentation Juive Contemporaine, Paris, 1990, 119 pp.

[42] Cette information est fausse, le chiffre exact est 8 160 personnes.

[43] Tract clandestin transmis à Rothke, cité par Georges WELLERS pp. 96-103, in A propos d’un « crime oublié ». Le Monde Juif, n° 138, art. cit.

[44] D’après l’article de Robert FRANK, Les Enfants Cachés, Bulletin n° 19. juin 1997, p 14.

[45] Il est à noter que si le préfet régional du Loiret lors de son inspection des deux camps ne fera qu’exiger que «les honneurs soient rendus à l’arrivée et au départ du préfet régional », le commandant du camp de Beaune-la-Rolande demandera dès l’arrivée des familles du Vel d’Hiv à être relevé de ses fonctions.

[46] Témoignage de Micheline CAHEN née BELLAIR, réalisé par Betty KALUSKI-SAVILLE, Les Enfants Cachés. 31 mars 1994.

[48] D’après l’article de Robert FRANK, Les Enfants Cachés, Bulletin n° 19, juin 1997, p 14.

[49] D’après l’article de Robert FRANK, Les Enfants Cachés. Bulletin n° 19, art. cit.

[50] Annette KRAJCER, citée par Robert FRANK, Les Enfants Cachés, Bulletin n° 19, art. cit.

[51] Le camp de Drancy, à l’origine un ensemble de H.L.M. en construction, correspondant à l’actuelle cité de la Muette, fut créé en septembre 1939, pour les communistes devenus après le pacte germano-soviétique, des suspects potentiels. Après la dé faite de juin 1940, y sont regroupés des prisonniers de guerre français et anglais. En 1941, Dannecker. responsable du Service des Affaires juives de la Gestapo y fait interner les Juifs. Dès lors, Drancy se transforme en l’antichambre d’Auschwitz. La plupart des départs des convois des camps de la mort se feront de Drancy.

[52] Extrait de Georges WELLERS, De Drancy à Auschwitz, Editions du Centre, Paris, pp 55-58.

[54] C.D.J.C. CXXII-12, Lettre du Pasteur BOEGNER adressée au Grand Rabbin de France depuis Nîmes, le 26 mars 1941.

[55] Lettre reproduite dans le Bulletin n° 9, Les Enfants Cachés, p 6.

[56] André KASPI, Les Juifs en France pendant l’Occupation, op. cit. pp 349-350

[57] Voir en particulier, Serge KLARSFELD, Vichy -Auschwitz. op. cit. Tome I. Chapitre V, Les rafles d ’août 1942 en zone libre et les transferts en zone occupée, pp 153-163 et Chapitre VI, Le haut clergé Français et l’Opinion Publique contraignent Vichy en septembre 1942 à mettre fin à son concours massif dans la chasse aux Juifs, pp 163-192.

[58] C.D.J.C. CCXVIII-104.De plus, comme l’ indique Serge KLARSFELD (Cf. Vichy -Auschwitz. le Rôle de Vichy dans la Solution Finale en France, 1942 (Tome 1)), Montauban est la ville natale de Bousquet, chef de la Police de Vichy. son père y occupe encore en 1942 la fonction de notaire.

[59] Serge KLARSFELD, Vichy -Auschwitz, le rôle de Vichy dans la Solution Finale de la Question Juive en France, 1942, op. cit. p 173

[60] Voir Pierre LABORIE, L’opinion française sous Vichy. Editions du Seuil, Paris, 1990, 405 pp, pp 262?282.

[61] D’après Serge KLARSFELD, Vichy -Auschwitz, le rôle de Vichy dans la Solution Finale de la Question Juive en France, 1942, op. cit. pp 163